mardi 19 avril 2016

Hongrie: la fermeture des magasins le dimanche, une tempête dans un verre d’eau

Par Pierre Waline

Il y a un an, le gouvernement hongrois, sous l’influence du parti chrétien-démocrate membre de la coalition au pouvoir, avait fait voter une loi imposant la fermeture des magasins le dimanche (grandes surfaces, supérettes). Et ce, malgré un sondage qui révélait l’impopularité d’une telle mesure.    
Il n’en a pas fallu moins pour que l’opposition enfourche ce cheval de bataille, et commence à recueillir des signatures pour engager un référendum sur le sujet. Prenant panique, le gouvernement a récemment lancé en catastrophe le vote de l’annulation de ladite loi par le Parlement. Vote qui est passé à plus de 92% des voix exprimées. Pour une application immédiate. Très habilement, Viktor Orbán a ainsi contourné un écueil : se voir désavoué par un référendum dont l’issue eût été certaine (et dont le résultat ne pût être remis en cause trois années durant).
Certes. Mais a-t-on consulté au préalable les employés des commerces concernés? Non. Je prends le cas d’une chaîne hongroise. Les caissières et vendeuses y gagnent actuellement l’équivalent de 400 euros nets pour six jours de repos par mois : deux samedis et les quatre dimanches. Désormais il ne leur resterait que quatre journées libres : deux samedis et deux dimanches, ce qui revient, une fois sur deux à les faire travailler 12 jours d’affilée. Et ce, du moins en l’état, pour un gain horaire d’à peine plus de 2 euros le dimanche. Car, parallèlement à l’annulation de la loi, le gouvernement a fait voter en catimini une modification du Code du Travail, ramenant de 100% à 50% la rémunération des heures supplémentaires.
Fort heureusement, des voix, d’abord timidement, ont fini par se faire entendre pour défendre leurs intérêts. Il était temps. Ceci dit, rien n’est gagné et l’issue de négociations (que l’on tarde apparemment à engager) demeure plus qu’incertaine : établir le travail dominical sur la base du volontariat, offrir en compensation une rémunération correcte des heures dominicales ou, dans le cas contraire, proposer en échange une journée de repos dans la semaine.
Alors que les sujets de mécontentement ne manquent pas, notamment face à une centralisation poussée à outrance et une mainmise de l’Etat dans quasiment tous les domaines, ou encore face à une corruption qui s’étale au grand jour, sans parler de dépenses absurdes comme la construction de stades luxueux, alors que les hôpitaux manquent de fonds, l’opinion publique semble davantage mobilisée sur les aspects qui touchent directement à son quotidien matériel, en l’occurrence son confort. Bon, cela, nous le savions déjà et peut à la rigueur se comprendre dans un pays encore peu rodé aux valeurs de la démocratie.
Mais, que ce soient des partis dits „de gauche” qui se mobilisent pour imposer un retour au travail du dimanche, voilà qui est pour le moins surprenant. De plus, jusqu’à en faire une véritable fixation, quitte à reléguer au second plan les autres sujets. Sans hésiter, même, à en faire son titre de gloire et à crier victoire. Bien sûr, on se raccroche a posteriori, in extremis, aux branches pour se poser en défenseurs des droits des travailleurs, mais le coeur n’y est pas vraiment...

Celles et ceux qui ont connu la Hongrie des années 70-80, ont encore en tête l’expression „communisme du goulache”, par laquelle on entendait illustrer une certaine passivité, ou du moins non résistance, de la population en échange d’un relatif bien-être, avec des magasins plutôt bien achalandés. De ce point du vue, les mentalités n’auraient donc pas trop évolué ? De même que János Kádár entendait ainsi, sinon totalement l’endormir, du moins tenir son opinion à l’écart du débat politique, en serait-il ainsi avec le pouvoir actuel ? Je n’irai pas jusque là, mais presque..
Quant aux exploitants des grandes surfaces, ils peuvent se frotter les mains.... Merci, Monsieur Orbán, merci Messieurs les députés !  Des deux bords, une fois n’est pas coutume. (Chacun ayant ses petits chouchous dans le monde du commerce...)
PW – 19 avril 2016
Source : francianyelv.hu

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