lundi 16 avril 2012

À propos du Théâtre de l’Europe de l’Est


De tous les pays qui formaient « l’Europe de l’Est » et qui sont devenus indépendants depuis un quart de siècle, la Pologne et la Hongrie sont ceux où la création théâtrale reste, sans discontinuer, la plus vivante. 
[…]

Revisiter l’histoire polonaise, explorer les marges, pointer les lignes de faille d’une réalité à travers le prisme familial ou intime, c’est le sujet de bien des pièces et des spectacles, toutes générations confondues. Que l’on écrive de nouvelles pièces (il y a toute une pléiade de jeune auteurs, souvent des femmes, comme Dorota Maslowska ou Antonina Grzegorzewska, la fille de « Jurek ») ou que l’on revisite les chefs d’œuvre. Cela va souvent de pair avec un éclatement du récit.
La liste est conséquente, de Jan Klata à Radoslaw Rychcik en passant par Attila Keresztes. Ce dernier a mis en scène son spectacle au Teatr Śląski de Katowice, ville industrielle. C’est là une autre donnée significative: la fin de l’axe Varsovie-Cracovie. Désormais c’est partout que le nouveau théâtre émerge en Pologne.

En Hongrie, la province a toujours été un foyer de renouveau. C’est de Kaposvar qu’est parti le nouveau théâtre hongrois qui a vu grandir de belles figures comme Támas Ascher ou Gabor Székely.
[…]

Comme en Pologne, les jeunes metteurs en scène hongrois questionnent leur identité et regardent sans fard leur histoire passée ou présente. Avec les récents et inquiétants changements politiques en Hongrie, il y a de quoi faire. La compagnie HOPPart s’y emploie. Créée en 2007 cette compagnie indépendante réunit des acteurs sortis de l’Académie du théâtre et du cinéma de Budapest où ils ont été formés par Eszter Novak et Támas Ascher. Comme la compagnie de Béla Pinter, les acteurs de la compagnie HOPPart pratiquent un théâtre où la musique joue un rôle central. Leur Korijolanusz mis en scène par Csaba Polgar d’après la pièce de Shakespeare Coriolan, questionne le fondement de la démocratie. Question on ne peut plus pertinente aujourd’hui en Hongrie où la peur est revenue.
Ce climat était déjà palpable en février 2011 au Festival Deszka, festival des écritures contemporaines à Debrecen (la ville hongroise après Budapest). Un festival créé par le directeur du Théâtre Csokonaï (le grand théâtre de la ville) Attila Vidnyanszky, formidable metteur en scène venu de la minorité hongroise d’Ukraine (il a signé l’an dernier Ces merveilleux hommes volants,  une extraordinaire évocation des trois cosmonautes russes qui se disputaient le titre du premier homme à aller dans l’espace). Le festival était parrainé par György Spiro, le premier auteur hongrois du renouveau avec sa pièce emblématique Tête de poulet. Les discussions allaient bon train sur les spectacles, l’actualité. Et, bien sûr, le métier d’auteur dramatique : doit-il travailler en solitaire, en tandem avec un metteur en scène, faire corps avec une équipe et écrire au fur et à mesure des répétitions, travailler avec du matériau documentaire… Autant de questions qui traversent tout autant le théâtre français.

Jean-Pierre Thibaudat
Conseiller artistique du Festival Passages (Metz), janvier 2012

Source : Théâtre Nanterre-Amandiers 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.