jeudi 29 septembre 2011

«Tsiganes» «Nomades» : un malentendu européen - 8 octobre à 09h30 Institut hongrois

Organisé par les centres « Littérature et Histoire » de l’université de Paris 8, l’Item de l’université de Pau et le département de philosophie de l’université de Vérone, du 6 au 9 octobre à Paris et les 24 et 25 novembre à Pau.

L’Institut hongrois accueille le colloque le samedi 8 octobre 2011.

Sur la base des avancées historiographiques, le colloque se consacre au « malentendu européen » que constitue la perception des Tsiganes comme « étrangers de l’intérieur », afin d’en faire apparaître les singularités historiqueset anthropologiques.

En dépassant l’actualité politique de la « question rom », ce colloque cherche à saisir les composantes de « l’anti-tsiganisme » dans sa profondeur historique, entre exclusions sociale et raciale, et dans sa diversité européenne.

Un cycle de documentaires et fictions sur ce thème est programmé chaque jour au cinéma Les Trois Luxembourg (5e arr.) entre le 5 et le 11 octobre.

Plus d’informations sur www.tsiganes-nomades-un-malentendu-europeen.com

En partenariat avec : Université Paris 8, Université de Pau, Fondation pour la Mémoire de la Shoa, Université de Vérone, CNRS, Fondation maison des sciences de l'homme, Institut Universitaire de France, Fondation pour la Mémoire de la deportation, FNASAT, Etudes Tsiganes, CERCI, IRIS, Maison des Ecrivains et de la Littérature, Université Paris III, Mémorial de la Shoah, Aircrige, Cinéma Les 3 Luxembourg, Revue Poésie

le samedi 8 octobre 2011, 9h30

Un exotisme européen ou une fabrique culturelle interactive ?
(Approches croisées ethnologie, anthropologie, littérature)
Accueil et ouverture par Balázs Ablonczy (Institut Hongrois) et Michel Wieviorka (FMSH)
Présidence Jean-Pierre Dozon (Anthropologue. MSH)

Martin Olivera (Ethnologue, Urba-Rom), La production du romanès. Quiproquo assumé et dynamiques socioculturelles chez les Tsiganes

A partir de l’ethnologie de Roms de Roumanie (Gabori de Transylvanie et Roms migrants en région parisienne), cette communication propose de discuter la manière dont les sociétés roms/tsiganes réinventent sans cesse des formes d’intégration locale originales, à l’encontre des images de groupes sociaux par défaut ou d’une culture « en danger » repliée sur elle-même. Seront évoqués les travaux ethnographiques sur d'autres groupes qui iraient dans ce sens, en vue d’un état des lieux rapide de la réflexion là-dessus.

Iulia Hasdeu (Anthropologue, Université de Genève), Femmes, culture et ethnicité. Réflexions sur les frontières entre Roms et Gadje.

L'ethnographie dans des villages roms de Roumanie aussi bien qu'auprès de Roms migrants en Belgique nous a donné à voir que certains Roms placent le couple conjugal et le corps des femmes au centre de leur pensée de l'identité ethnique. La sexualité, principal source de l'impureté, est au cœur d'une vision du monde comme coupé en deux, vision qui structure l'organisation sociale. Elle s'articule avec le statut de la femme rom dans ses deux facettes distinctes : romni (femme mariée) et bori (épouse, bru). Cela oblige à réfléchir sur la place de la femme et de la sexualité dans l'équation culture-ethnicité-société, en particulier sur la participation des corps féminins à la réification de la frontière entre Roms et Gadje. Par l'usage de l'emblème, les Gadje retiennent et investissent d'une part un corps féminin fantasmé, celui de « la Tsigane » orientalisée, et d'autre part, les mariages précoces qu'ils opposent aux droits fondamentaux de la femme. Comment et avec quelles conséquences cette perception réductrice est-elle instrumentalisée dans le contexte politique européen actuel? Nous nous référerons surtout à la manière dont en Roumanie ce mécanisme stigmatisant fonctionne à l'égard des Roms et comment il participe de la sélection opérée par la « démocratie sexuelle ».

Présidence : Leonardo Piasere (Anthropologue. Département de philosophie de Vérone)

Gérard Dessons (Littérature française, Paris 8), Errants devant l’éternel

Rejetés en tant que Tsiganes puis en tant que Roms, ils restent, pour bien des commentateurs, des « éternels errants ». Cette expression, marquant peut-être une attitude condescendante, est exemplaire d’un processus discursif engagé dans la transformation de déterminations historiques en état de nature, retirant ainsi à l’histoire – et à la pensée de l’histoire – le statut des Roms. Il est, de ce point de vue, symptomatique que les historiens traitant de cette question aient autant à s’employer à la restitution des faits qu’à leur interprétation.

La question des modes de vie est certainement très complexe s’agissant des Roms. Mais elle devient compliquée quand elle est traitée à travers la notion ambiguë de « style de vie », qui masque, sous des données apparemment objectives, l’historicité de manières spécifiques. Je me propose de regarder le fonctionnement et les enjeux de ce qui apparaît comme une anthropologie des paradigmes analogiques. J’examinerai plus précisément trois traits qui ont été considérés comme caractéristiques de l’ethos tsigane, et qui relèvent de la logique d’un même modèle paradigmatique, celui de l’errance : le refus, évidemment, de la sédentarisation ; l’absence de pratique scripturale propre à fixer les valeurs d’une culture ; le défaut, enfin, d’un socle comportemental rationnel renvoyant ce peuple à ses errements ataviques.

Jean-Luc Poueyto (Anthropologue, Université de Pau), Les Tsiganes et l’écrit : un problème épistémologique

Il semble que la très grande majorité des Tsiganes en Europe maintienne un rapport très mesuré avec les différentes formes d’écrit. Ces groupes familiaux semblent donc avoir choisi de se tenir à distance des campagnes massives d’alphabétisation et de scolarisation qui ont eu lieu depuis plusieurs siècles auprès des populations européennes. On peut alors s’interroger, à propos de bon nombre de groupes tsiganes, sur l’existence de manières différentes d’appréhender le monde sans qu’il y ait référence systématique à l’écrit. De même, et comme en écho, on peut se demander quelle est la place de l’écrit dans la construction des notions de peuple, de nation, de culture, de littérature… et comment concevoir un mode de vie et de pensée sans ces catégories. Nous aborderons cette problématique à partir de l’exemple de Manouches français.

Après-midi. 14h-18h30

Présidence Lucie Campos (Littérature comparée - Institut français)

Elisabeth Tauber (Anthropologue. Université libre de Bolzano, Italie), Time and territory - these are the others. Ethnographic reflections on philosophical constructions.

European philosophy has conducted over centuries a discussion of insult and of exclusion regarding Romani people. There are only a few known voices that have tried to lead this discussion in an other direction. One of this voices was represented by Christian Jacob Kraus. He was a colleague of Emanuel Kant and focused his research on an empirical philosophy. His main interest concentrated on the Prussian Sinti and their cultural survival amidst the German nation-state. In my presentation I will start with my ethnographic experience among the Sinti Estraixaria of North Italy than I will briefly refer to the Kantian discourse on « nomads » for then giving a summary of the fascinating questions of Christian Jacob Kraus. Finally I will ask how constructions like « time » and « non-time », « territory » and « non-territory » have massively influenced the relation between Sinti and the majority in Mitteleurope.

Alain Reyniers (Anthropologue. Université de Louvain), A propos de Jan Yoors : ethnologie et littérature

Ecrivain et artiste d\'origine belge, Jan Yoors (1922-1977) occupe une place particulière en tsiganologie. On lui doit deux ouvrages sur sa vie passée dans un groupe de Roms lovara peu avant la Seconde Guerre mondiale (The Gypsies, 1965) et sur certains faits de résistance, impliquant notamment des Roms de ce groupe, entre 1940 et 1945 (Crossings, 1971). Le premier ouvrage a été longtemps tenu pour l'un des meilleurs documents ethnographiques écrits sur les Tsiganes et sert toujours de référence à de nombreux chercheurs. Yoors y présente avec beaucoup de précisions la vision que les Lovara rencontrés avaient d'eux-mêmes et des autres groupes tsiganes et offre un tableau saisissant de la vie menée par des familles nomades durant la première moitié du XXème siècle. Pourtant, le caractère généralisant de certains propos diminue la portée scientifique de l'oeuvre. De même, les faits rapportés ne s'accordent pas toujours avec les souvenirs qu'en ont gardés les Roms. La confrontation entre les dires de l'auteur et les commentaires de ceux auprès de qui il avait vécu pose autant la question de la mémoire sociale que celle de l'oeuvre littéraire et de son impact en tant que vecteur de connaissance face à la rigueur ethnographique.

REGARDS CROISÉS SUR LA HONGRIE (LITTÉRATURE, ANTHROPOLOGIE, POLITIQUE)

PRÉSIDENCE MICHAEL STEWART (ANTHROPOLOGUE, LONDRES)

Cécile Kovacshazy (Littérature comparée, Limoges/Bremen), Romanciers tsiganes hongrois de la vie ordinaire : József Holdosi (Les Kánya 1978) et Menyhért Lakatos (Couleur de fumée 1975)

József Holdosi dans Les Kánya (1978) et Menyhért Lakatos dans Couleur de fumée (1975) racontent sans complaisance la vie quotidienne de familles tsiganes ordinaires. Ces deux romans, qui comptent parmi les premiers écrits littéraires hongrois, répondent à la fonction de subversion de la littérature pour les raisons suivantes : - Ils se placent à contre-courant du préjugé identitaire plaqué sur les Roms puisqu’ils s’inscrivent dans l’ordre symbolique hégémonique du langage, de surcroît fictionnel. - Ces deux narrations n’adoptent pas, comme souvent les textes littéraires écrits par des Tsiganes, une attitude (défensive) idéalisante. Elles présentent un ensemble de personnages réalistes, et sûrement pas idéalisés. Elles déplacent donc également les habitus d’écriture de ce qu’on peut appeler (de façon fort discutable) les « littératures romani ». Cette critique interne (et non externe en l’occurrence) produit le salutaire effet d’annuler la vision manichéenne xénophobe très active aujourd’hui au sein de l’Union européenne et dans laquelle « le » Tsigane (dans un sens général fort éloigné de la réalité des particularismes individuels) devient l’honni intérieur de cette nouvelle forteresse qu’est l’espace Shengen. - Enfin, face au déni d’Histoire dans lequel on relègue les Tsiganes sempiternellement, ces deux romans flirtent avec la chronique romanesque micro-historique et recontextualisent une narration certes imaginaire mais non fantasmatique. Un développement adjacent à ce troisième point concernera la place accordée dans ces romans au génocide de la Deuxième Guerre mondiale, que couvre chronologiquement la diégèse des deux œuvres.

Ces trois caractéristiques permettront, de façon comparative et différentielle, de poser la question des effets esthétiques et sociaux d’une critique interne et de son extériorisation.

Kata Horvath (Anthropologue, Université de Pécs)
« Pas de panique, nous sommes des nègres »

En rapport avec certains processus politiques nationaux, dans les dernieres années le discours sur les tsiganes s'est transformé en Hongrie. Le statut social de « tsigane » a changé : En simplifiant on peut dire que le statut social du « subordonné » a donné lieu au statut d’« exclu » dans un discours public qui n'évite plus de parler de « Tsigane » comme auparavant, mais identifie et construit des problèmes structurels de la société hongroise comme « question tsigane ». Après des décennies d'ignorance du « Tsigane » en tant qu'acteur social et politique, celui-ci joue à présent le rôle principal de coupable dans un drame national. Dans mon intervention, qui s’appuiera sur mes recherches anthropologiques commencées il y a dix ans dans un village hongrois, je parlerai du bouleversement des expériences sociales liées au « fait d’être tsigane ». La promesse de l'assimilation, qui durant deux ou trois générations a été la contrainte la plus forte pour les familles, s’est changée en discrimination ouverte en quelques années. Comment ces familles affrontent-elles cette nouvelle contrainte, comment les expériences liées à l'assimilation ont-elles été reformulées? Je montrerai que les expériences sociales de la honte et les stratégies pour garder sa fierté ont donné lieu à des formes nouvelles de peur et d'agression. La phrase souvent répétée « N'aie pas honte si tu veux prospérer ! » (« Ne szégyelld magad, mert nem élsz meg! ») a fait place à une autre, plus appropriée : « Pas de panique, nous sommes des nègres ! » (« Semmi pánik, niggerek vagyunk! »)

Avec projection d’extraits d’un documentaire sur le théâtre social réalisé dans le même village en 2010.

Livia Jaroka (Anthropologue, représentante de la « minorité Rom » au Parlement européen). De la réflexion anthropologique à l’engagement politique européen

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